Brest Envoyé spécial
En selle donc, pour ce 95
e Tour de France. Départ au niveau de la mer, le 5 juillet à Brest, arrivée à 45 mètres d'altitude, le 27 juillet sur les Champs-Elysées. Entre les deux, dix-sept cols à franchir, dont huit de première catégorie, et quatre arrivées au sommet. La France du Tour, c'est bien connu, compte plus de montées que de descentes... 180 vantards prétendent boucler à la manivelle les 21 étapes et 3 559 km du périple. Le tout à l'eau claire.
Une gageure.
Où l'on reparle du dopage, forcément. Dix ans après l'affaire Festina, au sortir de deux éditions au palmarès tronqué, les organisateurs aspirent à un "Tour du renouveau". Ils murmurent plus qu'ils ne claironnent cette expression. Elle fut inaugurée en 1999 et tant galvaudée depuis. D'où la naissance d'une nouvelle formule cette année, joliment trouvée :
"Le kilomètre zéro du cyclisme".
Christian Prudhomme, patron de l'épreuve, affiche une résolution sans faille à débusquer les tricheurs. Pour ce faire, Amaury Sport Organisation (ASO) a coupé les ponts avec l'Union cycliste internationale (UCI), soupçonnée de faiblesses coupables. Le différend, de larvé s'est fait frontal. Il est né du Pro Tour, le circuit que l'UCI voulait imposer aux "grands" Tours. Les taulières - ASO (Tour de France mais aussi plusieurs autres courses majeures), RCS (Giro) et Unipublic (Vuelta) - ont dit "niet".
Les relations se sont tendues encore quand ASO a souhaité décider de qui participerait ou ne participerait pas à sa Grande Boucle. Elle a ainsi écarté l'équipe kazakhe Astana, qui compte pourtant dans ses rangs parmi les meilleurs coureurs du peloton dont l'Espagnol Alberto Contador, vainqueur du Tour en 2007 et du Giro en 2008. L'organisateur apostat a même abjuré le dieu belge Tom Boonen, pour une terre à terre histoire de cocaïne.
Accusé de vouloir régenter le cyclisme, ASO s'est vu retirer son agrément par l'UCI dans le calendrier international. Le Tour de France, la plus grande course du monde, a été dégradé au rang de compétition nationale, comme vulgaire ronde de village. Elle a été placée sous l'égide de la Fédération française de cyclisme (FFC). L'UCI s'étant défaussée de cette charge, la FFC a confié le soin d'organiser les contrôles à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).
Alors Jan Ullrich peut bien se gausser devant la liste des partants :
"Le Tour de France n'est plus la plus grande course du monde si les meilleurs coureurs ne peuvent y participer", a affirmé au magazine
Sport Bild le vainqueur 1997, lui-même rattrapé par les soupçons de dopage. La presse espagnole peut bien ironiser sur la valeur d'une compétition privée de son dernier vainqueur. Ces quolibets n'empêcheront pas les coureurs de se précipiter au départ du jeu de massacre, malgré les menaces de l'UCI, et 180 pays payeront cher les images de ce soi-disant simulacre.
TROIS JOURS EN BRETAGNE Le Tour de France n'est pas qu'une vulgaire "compét'" de vélo. C'est aussi un pays qui se donne en spectacle. Les organisateurs l'ont bien compris qui, en attendant de retrouver une crédibilité sportive, promeuvent le rendez-vous de juillet sur ses autres valeurs. Selon un récent sondage, les paysages de la "doulce France" arrivent en tête des arguments des téléspectateurs. France Télévisions ne s'y trompe pas qui truffe ses bandes-annonces de vues panoramiques.
Le succès populaire du Tour reste sa meilleure promotion, voire sa justification auprès des sponsors. Entre 12 et 15 millions de spectateurs sont encore attendus sur les bas-côtés, selon les organisateurs de la manifestation. En musardant trois jours en Bretagne, terre de cyclisme et de fidélité têtue, l'épreuve s'offre l'assurance d'un bain de foule et, ainsi, une forme de droit de réponse à ceux qui la déclassent déjà.
"Allez au bord des routes, défendez le cyclisme qui vous appartient", suppliait Christian Prudhomme lors de la présentation des équipes, jeudi 3 juillet. C'était là demander un plébiscite. Le slogan de 2008 n'est-il pas "Le Tour toujours" ? Bref, l'éternité face à l'adversité.