Une modification de la loi passée inaperçue permettra au mouvement de Ron Hubbard d'éviter une éventuelle condamnation qui devait compromettre son avenir en France.
Il avait été annoncé comme un épisode historique allant faire date dans les annales judiciaires. Or le procès de la Scientologie, qui s'est achevé le 17 juin dernier à Paris, ne tiendra pas toutes ses promesses. Alors que le délibéré est attendu le 27 octobre, on sait d'ores et déjà que la dissolution, qui était l'enjeu de ces audiences et qui avait été réclamée par le ministère public, ne pourra pas être prononcée.
Cette peine, que le tribunal aurait pu infliger au mouvement de Ron Hubbard en cas de condamnation, ne peut plus être appliquée à cause d'un changement législatif intervenu peu avant l'ouverture du procès, le 25 mai. Une véritable aubaine pour la Scientologie, qui, poursuivie pour la première fois en France en tant que personne morale dans un dossier d'escroquerie, risquait de se voir infliger la dissolution.
Passé inaperçu et révélé lundi par la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), ce changement législatif semble s'apparenter à une bourde. Il est intervenu dans le cadre de la loi dite « de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures», un texte fourre-tout voté à l'initiative du député UMP Jean-Luc Warsmann. À cette occasion, un toilettage des règles relatives à la responsabilité pénale des personnes morales avait été réalisé le 12 mai dernier. Et c'est alors que la possibilité d'une dissolution des personnes morales pour escroquerie est passée à la trappe.
Dans un communiqué, Jean-Luc Warsmann a fait remarquer lundi «qu'à aucun moment durant les dix mois du travail parlementaire, personne, ni au gouvernement ni à l'Assemblée nationale ou au Sénat, de la majorité ou de l'opposition, n'a émis d'objection». Puis le député interprète cette absence de remarques. Selon lui, on aurait ainsi estimé que l'arsenal répressif ainsi amputé laissait la possibilité aux magistrats de recourir à une autre peine «suffisamment lourde et proportionnée» et qui est «l'interdiction définitive d'exercer directement ou indirectement toute activité».
Mais la Chancellerie a aussitôt réagi aux révélations de la Miviludes. «Personne n'a mesuré les conséquences de cette modification», explique-t-on place Vendôme, où l'on s'est engagé à faire rétablir la dissolution dans la loi, sans préciser dans quel délai. Mais ce rétablissement ne pourra concerner le délibéré attendu en octobre.
Selon Me Olivier Morice, l'avocat des parties civiles lors du procès de la Scientologie, il ne peut s'agir d'une erreur. «À quelques jours de l'ouverture des débats, la loi a été volontairement changée», assure-t-il, «scandalisé» et demandant la création d'une commission d'enquête parlementaire. «La dissolution est une peine bien plus importante que l'interdiction, qui ne fait pas disparaître l'existence de la personne morale», explique-t-il.
Pour Me Patrick Maisonneuve, avocat de l'Église de scientologie dans ce dossier, ce télescopage entre le travail parlementaire et le procès ne résulte «pas d'un complot» mais «d'un pur hasard de calendrier».